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Titel
Fées du logis. L'enseignement ménager dans le canton de Vaud de 1834 à 1984.


Autor(en)
Schibler, Tamlin
Herausgeber
Bibliothèque historique vaudoise
Reihe
Bibliothèque historique vaudoise 132
Erschienen
Lausanne 2008: Bibliothèque historique vaudoise
Anzahl Seiten
256 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Corinne Dallera

Fées du logis brosse en 187 pages richement illustrées l’histoire de l’enseignement ménager dans le canton Vaud, de son émergence dans la première moitié du XIXe siècle à son déclin dans les années 1980, en passant par son apogée au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Enrichi de plus de trente annexes, ce récit en texte et en images révèle non seulement un domaine inexploré de l’histoire vaudoise,mais ouvre également de nouvelles perspectives de recherche sur les rapports sociaux de sexe.

La première partie de l’ouvrage cherche dans les bouleversements sociaux du XIXe siècle, engendrés par l’industrialisation et l’urbanisation, les fondements de l’introduction de l’enseignement ménager. Ce dernier est perçu par les élites de l’époque comme un remède à la question sociale. «On considère alors que, grâce à une formation dans une école ménagère, les femmes seront en mesure de redresser la société moralement et économiquement, d’éradiquer l’alcoolisme, les maladies et le manque d’hygiène, de faire chuter le taux élevé de mortalité infantile, d’empêcher le socialisme de se propager et, finalement, de faire diminuer les divorces.» (p. 30). D’un point de vue plus pragmatique, il devrait également permettre d’enrayer la pénurie de personnel domestique, une préoccupation lancinante de la bourgeoisie de l’époque.

Après un détour par l’histoire du développement de l’enseignement ménager au niveau national, Tamlin Schibler se concentre sur le cas particulier du canton de Vaud qui est le seul canton suisse à avoir introduit une année obligatoire d’enseignement ménager postscolaire pour les filles de 15 à 16 ans qui n’entament pas des études spéciales. Dans cette partie centrale, l’auteure situe tout d’abord son propos dans le contexte des débats du XIXe quant à l’instruction des jeunes filles des classes supérieures et populaires. Elle relève que le souci principal des éducateurs, des sociétés philanthropiques et des associations féminines est moins de transmettre aux jeunes filles, toutes classes confondues, des savoirs en vue de développer leurs capacités intellectuelles que de les préparer à devenir de bonnes mères et épouses. Or, si les écoles ménagères communales et différents cours existent dans le canton dès la fin du XIXe siècle, l’enseignement ménager est encore souvent considéré par les parents comme une perte de temps et d’argent. Ses partisans et ses partisanes se lancent alors dans une vaste campagne pour obtenir des autorités l’obligation d’y assister pour toutes les Vaudoises et obtiennent gain de cause le 19 février 1930 par la loi sur l’instruction publique primaire et le règlement du 28 mars 1931 qui établissent l’enseignement ménager postscolaire obligatoire. Après une description minutieuse de l’organisation et du contenu du programme, Tamlin Schilber nous dévoile comment la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle les classes ménagères vont être mises à contribution au service de l’économie de guerre, concourt à son développement.

Un leitmotiv traverse ces trois premières parties, il s’agit de l’engagement des femmes elles-mêmes et notamment des associations féminines en faveur de l’enseignement ménager. 1968 et sa révolte marquent la rupture. Le nouveau mouvement féministe des années 1970 revendique notamment un enseignement non sexiste. Il dénonce les stéréotypes véhiculés dans l’enseignement et demande une uniformisation des matières enseignées aux garçons et aux filles, ces derniers ont des leçons de mathématiques, de sciences, d’histoire, de géographie et de langue maternelle pendant que les filles suivent des cours de musique, de chant, de couture, d’économie domestique ou de jardinage. Le développement de la société de consommation contribuera à la disparition des écoles ménagères de plus en plus contestées. Tamlin Schibler conclut sur l’époque actuelle et s’interroge sur la pertinence de la réintroduction d’un enseignement ménager destiné cette fois-ci aux filles comme aux garçons. Selon l’auteure, il pourrait permettre aux femmes et aux hommes de mieux concilier vie privée et professionnelle, lutter contre l’obésité enfantine et contribuer à l’écologie. Dans son introduction,Tamlin Schibler nous dit que tout «le défi de sa recherche a consisté à rassembler les documents nécessaires pour reconstituer l’histoire de cet enseignement dans le canton de Vaud» (p. 17).

Pari tenu, avec une réserve toutefois. La multitude des sources tant écrites qu’iconographiques est savamment agencée par l’auteure dans un récit très agréable à lire. Toutefois, tout un pan de la littérature concernant l’histoire des femmes et des rapports de genre en Suisse est ignoré. Or, une lecture de ces travaux aurait permis de nuancer une histoire qui paraît par moments très linéaire et schématique. Tamlin Schilber axe son analyse sur le facteur idéologique qui se caractériserait par une glorification de la femme au foyer presque immuable du milieu du XIXe siècle à la fin des années 1960. Or, cette idéologie prend racine et se développe en fonction d’un contexte social et économique troublé par deux guerres mondiales, de longues périodes de récession et des conflits de classes violents. Exception faite des pages très intéressantes consacrées à la période de la Seconde Guerre mondiale, ce contexte reste en arrière-plan. Cette idéologie est également une réponse à une nouvelle visibilité des femmes dans la sphère publique et sur le marché du travail. S’interroger sur les intérêts économiques et politiques des partisans et des partisanes de l’enseignement ménager ainsi qu’à leurs réseaux sociaux aurait certainement permis une analyse plus fine de l’engouement pour l’enseignement ménager des élites philanthropiques, de l’État et des associations féminines tenues de conjuguer leurs aspirations avec un contexte politique polarisé.

Citation:
Corinne Dallera: compte rendu de: Tamlin Schibler, Fées du logis. L'enseignement ménager dans le canton de Vaud de 1834 à 1984, Lausanne: Bibliothèque historique vaudoise 132, 2008, 255 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 117, 2009, p.267-290.

Redaktion
Veröffentlicht am
16.03.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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